Courte synthèse de l’interview :

Votre Abécédaire, remarquable synthèse de ce qu’il faut retenir sur la vaccination COVID 19 au plan médical, est signé du groupe de Pédiatres d’InfoVac, très engagés depuis 20 ans dans la vaccination mais aussi dans la recherche et l’enseignement des maladies infectieuses chez l’enfant et l’adolescent. Vous avez publié plus d’une trentaine de publications sur le sujet Covid 19.

Quel est votre retour d’expérience sur la gestion de l’épidémie ?

On s’est rendu compte à quel point le corps médical est habitué à prendre des décisions grâce à des recommandations notamment de la HAS.Ces recommandations dans leur principe sont toujours basées sur des preuves : c’est-à-dire sur des études publiées vérifiables. Ces comités et les médecins n’avaient plus l’habitude de travailler sans données publiées et discutées mais sur des hypothèses physiopathologiques ou de plausibilité biologiques par comparaison aux autres maladies virales déjà connues. Des avis contradictoires étaient parfois émis par la même agence à quelques semaines voire quelques jours d’écart. Ce fut une épreuve intéressante d’être obligé de gérer l’incertitude, étape après étape, ce que l’on fait seulement parfois au quotidien avec certains patients. Dans ce contexte de pandémie il s’agissait de répondre aux questions de toutes parts pour un engagement national, en pensant à tous les cas potentiels et pour des milliers de patients.

Au plan de la vaccination, notre groupe de pédiatres est néanmoins expérimenté et averti sur les pathologies virales et nous avons aussi des expériences antérieures de vaccinations dans des problématiques très diverses. Le public ne sait pas la nature des discussions qui ont eu lieu entre experts. Les décisions publiques relevaient de l’expertise scientifique et de la vision politique, selon un poids différent chaque fois et au final on peut dire qu’en matière de vaccination Covid 19 la France a finalement réussi. Il y a eu des erreurs comme par exemple de penser qu’il fallait démarrer dans les EHPAD et non plus largement chez l’ensemble des sujets âgés et à risque quelle que soit leur situation, avec de surcroit un consentement préalable qui était ingérable, mais les politiques étaient très inquiets des positions antivax et cette stratégie relevait d’une logique de priorité. En fait on a vu que la population dans sa grande majorité est pro-vaccin, ce qui est très positif et l’injonction politique en faveur de la vaccination a été fondamentale et déterminante.

Nous pédiatres et infectiologues, avons de surcroit fait face à la dette vaccinale des enfants du fait des confinements répétés, que l’on a peine à rattraper, alors de voir que cette campagne vaccinale Covid est un succès est un tremplin pour nous et il faut exploiter cette opportunité pour l’avenir de la prévention en France.

Et concernant les pharmacovigilances sur les vaccins ?

Au plan de la pharmacovigilance, c’est clair et cela confirme encore une fois que nous ne savons pas tout au terme des études qui permettent les AMM. Certes avant l’AMM il faut des études cliniques aussi larges que possibles comme celles qui ont été réalisées mais il faut aussi un système rigoureux et actif de pharmacovigilance. On peut dire que les analyses ont été données en temps réel et sans grande erreur d’appréciation. Par contre au plan de la communication il est évident que les instances nationales et européennes doivent améliorer leurs messages, leur cohérence et leur synergie. Heureusement que certains pays ont avancé plus vite que nous en termes de couverture vaccinale et ainsi montré les résultats sur de très grandes populations.

Il y aura toujours des myocardites, des Guillain Barré, des thromboses et des Kawasaki en plus des phénomènes allergiques, peu ou prou quel que soit le vaccin. Mais la connaissance des contextes favorisants, des sujets à risque et des conduites à tenir doit être maitrisée et décrits largement. Les médecins et pharmaciens doivent les connaitre. Le problème est l’éducation des médias, qui est difficile car le buzz est difficile à maitriser.

Néanmoins avec le recul, on peut dire qu’on a exploité le bon sens face aux exigences de l’urgence et de la nécessité, en établissant des hypothèses et en les discutant entre experts, il pouvait exister des discussions difficiles. Par exemple en début d’année, face à l’incertitude de la disponibilité des doses, et du délai prolongé entre 2 doses, et la question se posait de faire une 3ème dose. Or nous les pédiatres savons que toute dose compte et que le système immunitaire n’oublie rien. Par conséquent on ne pouvait pas recommander une 3ème dose à tout âge car le risque d’hyper-immunisation est plus important chez les jeunes. Chez les sujets âgés ce n’est pas un problème car leur réponse immunitaire est moins bonne.

Y a-t-il encore des soignants antivax ?

C’est un sujet majeur sur lequel nous n’avons pas vraiment agi au cours des campagnes vaccinales contre la grippe car le problème du taux d’immunisation du vaccin contre la grippe et de surcroit variable chaque année, nous retient dans l’injonction politique. Et nous avons été choqués de constater au début de la campagne que des soignants qui vaccinaient n’étaient pas vaccinés eux-mêmes. On peut dire actuellement que ce n’est pas le corps médical ni les infirmières ni les sages-femmes qui sont réticents, il s’agit surtout de cas relativement isolés dans le personnel paramédical. En fait il faut expliquer que l’hésitation vaccinale en France depuis quelques années était une des plus élevées du monde. Le faux scandale de la vaccination contre l’hépatite B a été une catastrophe (la relation entre vaccination hépatite B et sclérose en plaque n’a jamais été démontrée après 30 ans de vaccination)…. C’est le début des fake news en termes de vaccination et cela explique pourquoi la France s’est retrouvée reléguée loin derrière d’autres pays occidentaux. On a dû faire face à une opposition antivax dure notamment dans le monde médical, et même dans les instances institutionnelles et judiciaires parfois. Cette mauvaise gestion de crise explique les échecs des campagnes de vaccination récentes pour la grippe, le papillomavirus, le méningocoque. La conviction et l’implication des politiques est fondamentale pour la vaccination. Aussi cette réussite vaccinale contre le Covid est une véritable opportunité pour remettre la vaccination au centre de la prévention et notre première mission est de rattraper la dette vaccinale des enfants due à la période de confinement réitérée. Il faut continuer à améliorer la communication sur le sujet et diffuser les connaissances et votre association sur le bon usage du médicament a un rôle important pour la communication inter-professionnelle.

Ci-joint votre abédédaire et le lien INFOVAC qui a produit de nombreux documents pour l’information et la formation sur le sujet et le bon usage du médicament

Merci Professeur Robert COHEN

  • Pédiatre-Infectiologue
  • Coordonnateur InfoVac-France
  • Président du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique
  • Président du Conseil National Professionnel de Pédiatrie
  • ACTIV
  • Association Française de Pédiatrie Ambulatoire
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