COMMUNIQUE DE PRESSE

Le Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance a conduit pour l’ANSM une étude prospective nationale visant à actualiser les données sur les hospitalisations liées à la survenue d’un effet indésirable médicamenteux (EIM). L’incidence de ces hospitalisations a augmenté de +136% entre 2007 et 2018, passant de 3,6% à 8,5%. Il est ainsi estimé que, chaque année en France métropolitaine, environ 212 500 personnes sont hospitalisées à cause d’un EIM dans un service court séjour de spécialités médicales du secteur public hospitalier. Après un mois de suivi, le taux de mortalité compliquant ces EIM ayant entrainé l’hospitalisation, était estimé à 1,3%, soit environ 2 760 décès par an en France. Le profil des effets indésirables et des médicaments impliqués a également évolué entre ces 2 périodes, avec l’apparition de nouveaux médicaments fréquemment en cause comme les anticoagulants oraux directs, les incrétinomimétiques et les thérapies ciblées/immunothérapies. L’analyse a permis d’estimer que 16,1% de ces effets compliqués d’hospitalisations auraient pu être évités si les médicaments avaient été utilisés par les professionnels de santé et les patients conformément aux recommandations de bon usage.

En 2007, Le Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance, habitué à conduire des enquêtes à l’échelle nationale, avait estimé que 3,6% des hospitalisations étaient en lien avec la survenue d’un EIM, soit près de 144 000 hospitalisations par an en France (Etude EMIR, 2007). Les anticoagulants oraux (antivitamines K) étaient alors les principaux pourvoyeurs de cette iatrogénie grave.

L’étude IATROSTAT est une nouvelle étude prospective, confiée par l’ANSM, au Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance, pour actualiser les données sur la iatrogénie médicamenteuse conduisant à une hospitalisation en France. Cette étude a été construite sur une méthodologie semblable à celle de l’étude EMIR menée en 2007 afin de pouvoir comparer les résultats entre les 2 périodes. Au total, ont participé à cette étude 141 services de spécialités médicales de court séjour appartenant à 69 établissements de type CHU et CH en France métropolitaine, tirés au sort entre avril et juillet 2018. En plus du recueil exhaustif des cas d’EIM, leur « évitabilité » a été estimée après une analyse de la conformité de l’utilisation des médicaments impliqués dans ces EIM selon les recommandations à disposition (monographie des médicaments, notice, recommandations thérapeutiques des sociétés savantes).

Ainsi, l’incidence des hospitalisations liées à un EIM a été estimée à 8,5% [IC95% : 7,6%-9,4%] dans les services de spécialités médicales de court séjour en France métropolitaine, soit une augmentation de 136% par rapport à 2007. Il s’agit d’une tendance également observée dans d’autres pays. Le volume de consommation des médicaments ne semble pas en être un facteur explicatif puisque qu’une baisse modeste (moins 4%) de ce volume a été observée entre les 2 périodes. En revanche, le profil des victimes

et le type de médicaments impliqués dans la survenue de ces EIM pourraient expliquer cette augmentation.

Cette étude montre que l’incidence des hospitalisations liées à un EIM augmente avec l’âge : 3,3% [IC95% : 1,8%-5,5%] chez les enfants (≤16 ans), 6,6% [IC95% : 5,3-8,0] chez les adultes (17 à 64 ans) et 10,6% [IC95% : 9,3%-12,0 %] chez les aînés (≥65 ans). Parmi les 309 patients hospitalisés pour un EIM, quatre sont décédés, dont un pour lequel l’EIM a été jugé comme potentiellement évitable. Il s’agissait tous de personnes âgées. Par conséquent, après un mois de suivi, le taux de mortalité pour un EIM ayant conduit à l’hospitalisation a été estimé à 1,3% [IC95% : 0,4%-3,1%], soit environ 2 760 [IC95 % : 850 – 6 587] décès par an en France. Ce chiffre était de 1,03% en 2007.

Le profil des médicaments impliqués a évolué depuis 2007 en lien avec l’arrivée de nouvelles classes pharmacologiques, en particulier les thérapies ciblées, les nouveaux anticoagulants oraux directs et les antidiabétiques de type incrétinomimétiques. Il en découle un profil d’effet indésirable modifié, avec toujours des manifestations hémorragiques (8,8%) en premier lieu, mais également des atteintes hématologiques (6,5%), des insuffisances rénales aiguës (6,3%), des troubles hydro-électrolytiques (6,0%) et des chutes (5,2%). On observe également un certain nombre d’hospitalisations consécutives à la prise d’antalgiques opioïdes.

Rapporté au nombre total d’hospitalisations court-séjour sur la même période, on observe une augmentation de 48 % du nombre d’hospitalisations pour EIM dans un service de spécialités médicales, passant de 143 915 [IC95 % : 112 063 -175 766] en 2007 à 212 500 [IC95 % : 190 000 – 235 000] en 2018. En effet, sur la même période, le nombre d’hospitalisation court-séjour en France a globalement diminué au profit de séjours de moins de 24 heures, ce qui de facto entraine une moindre augmentation du nombre absolu d’hospitalisation pour EIM que l’incidence des hospitalisations pour EIM.

L’étude apporte également un éclairage nouveau sur l’origine de cette iatrogénie en évaluant si les médicaments impliqués dans l’effet indésirable conduisant à une hospitalisation ont été utilisés conformément aux recommandations de la monographie du produit/notice ou aux recommandations des sociétés savantes. Ainsi, il est estimé que 16,1% des EIM conduisant à une hospitalisation auraient pu être évités si le médicament en cause avait été utilisé par les professionnels de santé et les patients de façon conforme aux recommandations. Les principales situations de non-conformité sont le non-respect de la dose ou de la durée d’utilisation (27,9%), d’une mise en garde (23,2%), ou d‘une précaution d’emploi (18,6%). Il n’y a eu aucun cas de non-respect d’une contre-indication dans cette étude. Dans 11,6% des cas, l’automédication inappropriée ou le mésusage volontaire par le patient sont le plus souvent en cause dans la survenue de l’EIM. Enfin, les erreurs médicamenteuses étaient la raison d’une hospitalisation évitable dans 9,6% des cas.

En conclusion, la iatrogénie médicamenteuse est un motif plus fréquent d’hospitalisation dans un service de spécialités médicales qu’il y a une dizaine d’année en France. Les résultats de cette étude doivent conduire à engager une réflexion approfondie sur des actions de prévention sur les classes médicamenteuses à risque et sur une information claire sur le bon usage des médicaments qui est mise à la disposition des professionnels de santé et des patients.

Financement : ANSM

Contact : Pr Marie-Laure Laroche (investigatrice principale), Centre Régional de Pharmacovigilance de Limoges

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