Une étude signalée par Michel Boublil confirme le rôle des perturbateurs endocriniens (PE) dans le développement cérébral [1]. Publiée dans la revue Science, elle comporte une enquête épidémiologique et un travail expérimental sur des modèles cellulaires et in vivo.

L’étude épidémiologique a été menée en Suède auprès d’une cohorte de 1 800 femmes enceintes, dont on a mesuré dans le sang et les urines la présence de différents produits chimiques (phtalates, bis­phénol A, composés perfluorés).

L’exposition in utero à ce mélange de PE, courants dans notre environnement, a été corrélée au développement du langage des enfants à l’âge de 30 mois, évalué selon le nombre de mots acquis à cet âge.

Les perturbations hormonales, thyroïdiennes, estrogéniques et corticostéroïdes générées par ces produits ont été démontrées à partir d’un travail mené sur des cellules souches neurales humaines et sur des modèles aquatiques.

Pour les auteurs de la vingtaine de laboratoires européens et américains ayant participé à cette étude – dont une équipe de recherche du laboratoire Physiologie moléculaire et adaptation (PhyMA ; unité mixte de recherche du Centre national de la recherche scientifique et du Muséum national d’Histoire naturelle) –, ces résultats montrent qu’un mélange d’une quinzaine de PE courants perturbe la construction du cerveau de l’enfant à naître et peut retarder l’acquisition du langage, ce qu’ils considèrent comme un marqueur précoce de déficience intellectuelle ou de troubles du spectre autistique (TSA).

« Est-ce une explication à l’explosion des cas d’autisme et de retards que l’on constate en consultation ? », interroge M. Boublil.

L’implication des polluants environnementaux dans le développement cérébral est mise en cause depuis de nombreuses années, répond Jean-Pierre Bachy, qui renvoie à une étude de 2005 dans laquelle les auteurs expliquaient que « l’exposition chronique à long terme à de faibles concentrations des contaminants peut avoir pour résultat un ensemble de réponses biologiques négatives : production de radicaux libres et stress oxydant induit, provoquant des modifications ou une dégradation de biomolécules importantes telles que les chromosomes ; effets sur le système immunitaire, modifiant la susceptibilité aux maladies infectieuses ; effets sur le système neurologique, affectant les processus de développement et de différen­ciation » [2].

Comme le rappelle ­François-Marie Caron, le rôle de l’environnement avant, pendant et après la grossesse renvoie à la notion d’épigénétique, dont les implications ont été largement décrites au cours des dernières années et qui est à la base du concept des « 1 000 premiers jours » [3]. Cette notion d’épigénétique est associée à la description des origines développementales de la santé (ou Developmental origins of health and disease, DOHaD), qui prend en compte l’existence d’un héritage épigénétique de traits phénotypiques au travers des lignées germinales tant paternelles que maternelles, détaillées dans un article de la Revue médicale suisse [4], que signale J.P. Bachy.
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Auteur : Dr Marine JORAS

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Médecine et enfance n°2 – Avril 2022
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