Courte synthèse de l’interview du Dr Gonzalez :

Médecin du CSAPA Paris 14ème -Médecin du Travail – DESC en Addictologie

Service d’Addictologie et Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) du Dr Xavier LAQUEUILLE – Centre Hospitalier de Saint Anne – Paris 14ème

Votre article donne une synthèse sur le mésusage des Stéroïdes Anabolisants Androgènes (SAA) , parfait tableau d’abus médicamenteux volontaire avec des risques énormes pour la santé et vous nous expliquez quels sont les profils de ces consommateurs, les molécules concernées, leurs pratiques et les conséquences physiques et psychiques. C’est un sujet rarement abordé en médecine.

Est-ce que les pratiques ont évolué depuis les quelques scandales qui ont jalonné le Tour de France et les Jeux Olympiques précédents ?

Cette question est peu abordée dans le domaine médical sauf dans les médias lorsqu’éclate un scandale lors d’une compétition internationale alors qu’une étude en 2014 faisait état d’une prévalence de 6.4 % chez les hommes et 1.6% chez les femmes, pouvant aller jusqu’à 20% chez les sujets faisant du sport de force. Nous nous sommes intéressés au sujet par le biais de l’addiction qui est souvent associée mais il est vrai que les troubles de l’usage des stéroïdes anabolisants ne sont pas très étudiés en termes de prévalence et de pratiques car par définition le marché existe sous le manteau et dans ce qu’on appelle maintenant le « dark web ». Les laboratoires producteurs sont le plus souvent clandestins, la plupart situés dans les pays de l’est. Certains produits peuvent être obtenus avec de fausses ordonnances médicales ou vétérinaires, parfois ce sont de véritables réseaux de trafiquants organisés qui alimentent le marché. C’est assez facile pour les stéroïdes mais un peu plus compliqué pour l’hormone de croissance dont la demande est limitée par le coût du produit. Une large enquête américaine a montré que la consommation de compléments alimentaires s’accompagne d’un risque d’usage de stéroïdes anabolisants multiplié par 3. C’est donc par définition un mésusage total, sans consultation ni prescription médicale, avec une délivrance en dehors du circuit officiel des officines sachant que l’achat en ligne et les conseils délivrés par les réseaux sociaux sont essentiellement la source d’informations pour ces personnes dont les personnalités sont portées sur la performance.

Quand voyez-vous ces consommateurs qui deviennent donc pour certains des patients  sévèrement atteints ?

La demande de soins de ces patients est très tardive. Ils ne consultent pas de médecins sur le sujet. Ils n’ont pas de doute, ils sont influencés par les réseaux sociaux ou ce que leurs pseudo-coachs ou entraineurs leur racontent. Nous les voyons en addictologie car certains présentent des facteurs de vulnérabilité qui peuvent les entrainer dans une addiction à d’autres substances psychoactives en dehors même de l’utilisation d’antalgiques et de psychotropes pour calmer leurs douleurs et leur anxiété et dans ce cas ce sont les conséquences de l’addiction ou une demande de prise en charge ou parfois même une tentative de suicide qui les amènent en consultation ou à une hospitalisation. Je ne suis pas sûr que les endocrinologues en voient davantage que nous, peut-être dans les phases tardives ou l’hypogonadisme peut apparaitre.

Vous exposez des données intéressantes sur les profils divers de ces patients ce qui explique la difficulté pour les prendre en charge

L’enquête dont nous parlons dans l’article est une analyse de profilage de patients sur plusieurs centaines de patients anglais qui a permis de décrire 4 groupes de profils à risque différents consommant des SAA : le 1er (11%) appelé « Tu ne vis qu’une fois » regroupe les plus jeunes, motivés par la perte de graisse, grands consommateurs d’alcool mais peu poly médiqués, le 2ème caractérisé par la recherche «  du bien-être » (39%) est soucieux de se remettre en forme et consomme des AAS à la fois oraux et injectables et d’autres substances psychoactives et à visée esthétique, le 3ème se considère comme « athlète » (25%) recherchant musculature et force, peu poly médiqué et plutôt dans la quête de jouvence et le 4ème rassemble des sujets se jugeant « experts » (25%) avec des objectifs bien précis, orientés sur certains SAA et peu poly médiqués. Ils consomment tous avec un objectif de dopage et de performance, avec pour certains un contexte de dysmorphophobie, de manque d’estime de soi, de trouble de la libido. Il faut aussi prendre en compte que la dépression et l’anxiété sont fréquentes chez ces consommateurs de SAA. L’ensemble de ces caractéristiques et les problèmes médicaux consécutifs à ce mésusage imposent une prise en charge multidisciplinaire lorsque ces patients arrivent en consultation pour traiter les effets endocrinologiques, psychiatriques et addictologique.

Quels sont les moyens préventifs possibles ?

Au stade de la consommation débutante, les pharmaciens pourraient éventuellement les interpeller lorsqu’ils achètent des compléments alimentaires mais souvent ils se les procurent sur internet ou en parapharmacie. Et le sujet est difficile à aborder. En fait l’information et la formation manquent cruellement, tant pendant les études que dans les lieux sportifs fréquentés. Concernant les produits utilisés, leurs usages et les conséquences physiques et psychiques, souvent irréversibles il faudrait diffuser l’information de façon large dans les milieux sportifs. On réalise que les études de coaching sportif, pour la plupart, ne comportent aucune formation sur le sujet. L’interdiction de cet usage entraine un déni ce qui est une erreur car les entraineurs sont au premier plan. Une information institutionnelle de prévention serait facile à diffuser dans les salles de sport, de fitness et de musculation, y compris d’ailleurs concernant les addictions. On parle de drogues dans les média et on pourrait facilement parler aussi de cet abus de stéroïdes et d’autres médicaments dans le sport de loisir. La consultation de médecine générale pour le certificat médicale d’aptitude à la pratique du sport peut constituer un endroit privilégié pour aborder les risques, cependant toutes les salles ne requièrent pas de certificat médical.

Dr Thierry GONZALES

Médecin du CSAPA Paris 14ème

Médecin du Travail – DESC en Addictologie

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